samedi 23 août 2014

AOC n°32

Avec l'habituel retard, voici un petit avis sur le dernier Aventures Oniriques et Compagnie. Ce très joli 32e cru méritait un petit mot.

Pensez à faire un tour sur le site de Présenses d'Esprits pour vous abonner ou acheter ce numéro !

- Le jour où mardi fut suivi de mercredi, de Hugues Licvetout.
Cette nouvelle à chute prend place dans un univers post-apocalyptique aux accents de western. Un détective y cherche un nombre incalculable de disparus. L'écriture est fluide et l'histoire se lit bien. Seul reproche, le contexte et le pitch sont un peu convenus. Il est dur de faire une intrigue élaborée en peu de pages, mais on reste un peu sur notre faim.

- En Adon je puise mes forces, de Dominique Lemuri.
Ce planet-opera à trois voix présente le point de vue d'une humaine sur une planète encore peu évoluée, où les mythes sont encore bien présents - et peut-être même bien vivants -, le point de vue d'un policier ainsi que celui de la créature qu'il poursuit. Cette dernière se réfugie sur la planète en question. Joli tour de force que ces regards si différents sur les mêmes événements. Et un style bien rythmé, entre description et phrases courtes.

- La Banshee, de Tom Araudio.
Sans hésiter mon coup de cœur de ce numéro, et sans doute ma nouvelle favorite depuis plusieurs numéros. La Banshee nous plonge dans les mythologies scandinaves avec une guerrière qui se retrouve accompagnée de la Valkyrie à qui elle a sauvé la vie. L'écriture est envoûtante et les personnages sont profonds, superbement travaillés. Cette amitié qui finira par se briser est particulièrement poignante. Bref, que du bon, j'en redemande !

- Noir comme pétrole, de Dean Venetza. (prix Geekopolis de la nouvelle)
Sans doute le texte qui m'a le moins convaincu. La première partie évoque des survivants qui attendent l'apocalypse - l'hiver nucléaire en l'occurrence - dans un appartement. Puis nous nous retrouvons dans un bombardier américain pendant la seconde guerre mondiale, avec un twist final qui éclaire le début d'une lumière nouvelle. Si cette chute est bien pensée, et si l'écriture est tout à fait correcte, l'absence totale d'intrigue ou d'enjeu m'a malheureusement éjecté du récit. Parfois, ne pas savoir où l'auteur veut en venir est un plus. Ici, je n'ai pas réussi à y entrer.

Enfin côté illustrations intérieures, le degré de finition est assez inégal (un côté un peu trop crayonné à mon goût pour certaines, même si celle d'Aline Lascols, tout en rondeurs, reste intéressante), j'apprécie particulièrement celle de Dog pour la première nouvelle.

vendredi 1 août 2014

Fiction nouvelle mouture

La revue Fiction remonte, si je ne m'abuse, aux années 1950. Au printemps 2014, une nouvelle mouture voit le jour. Le deuxième numéro de cette mise au jour est déjà sorti, mais comme j'ai du retard de lecture, un petit mot sur ce premier opus (qui est en fait le numéro 18 des "Fiction" repris en 2005 par Les Moutons Electriques).

Plus que jamais, Fiction impose le "Mook", c'est à dire la fusion entre magazine et livre. Et, au regard de la quantité de nouvelles digne d'une l'anthologie et du format épais (quelques 272 pages), c'est bien un livre broché qu'on a l'impression de tenir. Du coup les 15 euros semblent plutôt justifiés.
La patte graphique très reconnaissable d'Aurélien Police est efficace, classieuse. En couleur à l'intérieur.

Voyons le contenu. Les deux entretiens croisés Norman Spinrad / Yal Ayerdhal, et Justine Niogret / Jean-Philippe Jaworski, ont de quoi faire saliver. Le côté interventions libres autour d'un café rend l'exercice plus vivant même si, pour ma part, j'aime autant les interviews simples. Un entretien croisé c'est prendre le risque de digressions qui partent un peu dans tous les sens. Reste que je les ai lus avec plaisir.
Suit un essai intéressant sur la vision par les machines, et une séquence poético-photographique à propos de la graisse. Le lien avec l'imaginaire reste ténu, mais c'est original et bien scandé. J'avoue ne pas savoir qu'en penser. Deux autres petits essais suivent, l'un, très bibliographique, sur les mutants dans l'imaginaire, l'autre sur la littérature expérimentale. Ce dernier m'a rappelé, encore, qu'il faut absolument que j'achète La Maison des feuilles de Danielewski.


Puis vient la grosse part du gâteau : une douzaine de nouvelles, dont une partie traduites. J'apprécie le mélange francophone / non-francophone. Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu des nouvelles avec autant de plaisir, et ça m'a rappelé mes découvertes dans la GASF des années 1970.
On attaque fort avec une nouvelle fantasy inédite de Robin Hobb. Malgré ce qu'on dit sur le côté fantasy commerciale des ouvrages de la dame, je reste un grand fan de ses sagas et de sa technique narrative hautement addictive. Hasard de naissance fait partie d'un univers partagé mais peut se lire de manière indépendante. Et là encore, le texte est un petit bijou, un récit initiatique avec des personnages délicieux.
Je n'évoquerai pas l'ensemble des autres nouvelles, toutes de qualité, même si j'ai moins accroché à certains univers. Au menu Timothée Rey, Ken Liu, Steven Utley, Estelle Faye, Elizabeth Hand, Rand B. Lee, Sonia Quémener, M. K. Hobson, Albert E. Cowdrey, John Sladek. J'ai particulièrement apprécié Esprits tordus de Albert E. Coudrey, pour ce mélange entre fantastique et espionnage, avec un excellent humour noir.

Bref, je recommande chaudement. Il faut maintenant que j'attaque le n°19 (été 2014) avant que le 20 ne débarque... Ma PAL aura ma peau.